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Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico

Ghar El Melh, pour un tourisme responsable, inclusif et durable

Par WWF North Africa 

Ghar El Melh offre chaque année à des milliers de vacanciers un cadre fort agréable. Mais au-delà de cette image idyllique, la lecture de la situation touristique aboutit à un état des lieux assez alarmant. En effet, en dépassant les clichés et en s’attardant sur des aspects de premier ordre, on mesure le gâchis d’abord et le danger ensuite dans la mise place d’un fonctionnement touristique qui n’est ni viable ni vertueux. Plusieurs études dont celle réalisée par docteur Maria José Vinals de l’université polytechnique de valence pour le compte du WWF Afrique du Nord rend compte des maillons défaillants dans la chaine de valeur touristique de Ghar El Melh.

En analysant le fonctionnement qui s’est établi ces dernières années à Ghar El Melh, on peut relever plusieurs paliers de constats et d’enseignements. Tout d’abord, à travers un prisme purement touristique, Ghar El Melh accueille essentiellement des vacanciers pour la journée et ce à partir de régions environnantes dont principalement le grand Tunis.

Le profil de l’usager de la plage, ses habitudes et son comportement créent une saturation en journée à cause de flux créés sur une période très courte et soutirent tout un périmètre économique à la région et un flux d’argent conséquent. Plusieurs activités et secteurs ne bénéficient donc pas de l’attractivité de la région. La fréquence des visites, leur durée et leur vocation occupent un axe très restreint d’une activité balnéaire limitée dans le temps. Cela a contribué à générer une activité économique désorganisée voire anarchique et qui est dans une démarche d’opportunité à optimiser et exploiter. Le tourisme n’est donc pas un pan de l’économie locale pérenne et bénéficiant à un grand nombre d’une manière équitable. On assiste donc à des comportements souvent dénoncés comme la location des parasols et des cabines par des exploitants irréguliers, des embouteillages interminables vu que les gens arrivent et quittent la journée au même moment et dans la même journée mais également une absence totale d’hygiène et de sécurité.

L’infrastructure routière ne répond pas aux impératifs de la haute saison et aucune alternative de transport en commun sérieuse n’a été développée. L’absence d’un écosystème organisé, bien établi a fait que le volet de la sécurité et de l’assistance en tout genre est totalement occulté, notamment l’accès pour des personnes porteuses d’handicaps mais aussi l’hygiène est totalement absente avec un nombre insuffisant de sanitaires et de poubelles et l’absence d’un système de gestion de déchets fait que la région croule sous ces derniers en période estivale. Cette précarité au niveau de la sécurité et de l’hygiène n’a pu être imposée par les autorités locales à cause du manque d’offres de services organisés et d’entreprises identifiées. Les motifs d’attractivité ne sont ni aménagés ni préservés. Ainsi, on soumet la faune et la flore à une détresse sans précédent. Il n’y a aucune conscience de la valeur de la région, sa lagune et ses sites. Les vacanciers questionnés ignorent la nature et la portée de la valeur de la région et de son écosystème. Ce diagnostic n’est pas rassurant mais il y laisse toutefois entrevoir des pistes à explorer pour en changer le cours et en éviter les retombées dans le futur.

En effet, l’enjeu est de fidéliser les communautés balnéaires et les fidéliser il y a un travail d’éducation et de pédagogie majeure à faire et ce sur plusieurs plans. La question de l’hygiène d’abord par une mise en place logistique et signalétique. Ensuite, il faudrait sensibiliser par rapport à l’écosystème de la région et sa valeur pour protéger les espaces vierges encore épargnés et reconquérir les espaces perdus progressivement.

Ce travail de fond permettra également de généraliser la saison touristique sur l’année et d’offrir d’autres produits touristiques que la plage. Il va falloir ainsi valoriser les produits du terroir et les activités telles que la pêche et l’agriculture. Il y a un potentiel de diversification des activités touristiques durables très important. Mais cette inconscience ne peut être imputée aux touristes. Il y a un maillon fondamental qui doit jouer un rôle crucial. Les professionnels du tourisme. Le métier doit être organisé et des règles nouvelles instaurées. En effet une cartographie claire et organisée des professionnels du tourisme permet de mieux les accompagner à travers des formations et la sensibilisation afin d’améliorer la qualité des services et la notion de responsabilité. Des opérateurs professionnels interviendraient mieux pour gérer la capacité d’accueil touristique, la fréquentation et la spatialisation des flux. Assurer la sécurité et l’hygiène ne peut être fait que par des organismes établis et s’inscrivant sur la durée contrastant avec les réflexes des opérateurs éphémères. L’un des volets à développer également est celui de la cible et de la durée des séjours des usagers. Développer davantage des séjours plus longs permet de ne pas sacrifier la manne financière mais contribuera à décongestionner les routes et les goulots d’étranglement essentiellement à l’entrée de la ville. Parallèlement à cela, réfléchir à une alternative de moyen de locomotion et de déplacement à Ghar El Melh est devenu un impératif. La mise à niveau de l’infrastructure ne pourra jamais satisfaire les flux de touristes en haute saison.

Enfin, instaurer un cadre de loi qui prenne en considération la capacité de charge touristique, l’organisation spatiale et protège les richesses de la région pour en assurer la pérennité. Cette démarche ne pourra s’avérer fructueuse que si le tissu des opérateurs touristiques se professionnalise et chasse les acteurs sans permis et anarchiques. Ghar El Melh n’a pas à faire un choix entre sa pérennité, son écosystème et son tourisme. Allier les différents aspects est possible et envisageable mais cela obéit à des préalables de conscience et d’organisation à mettre en place et à appliquer surtout afin de préserver une région d’une rare richesse.