Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico
Ghar El Melh: pêche, agriculture et tourisme… le défi !
Par WWF North Africa
Ghar El Melh incarne un potentiel conséquent dans divers secteurs socio-économiques. En effet, l’agriculture, la pêche et le tourisme représentent trois activités fortement ancrées dans la région. Cet ancrage contraste avec les obstacles et les soucis rencontrés par les intervenants au quotidien. L’infrastructure, l’organisation, la production et le degré d’exploitation sont autant de facteurs à évaluer mais également à améliorer au vu de la situation ambiante.
La population locale agit en grande partie dans la sphère de l’agriculture et de la pêche. Une population qui s’établit autour de 5000 à Ghar el Melh ville et quatre fois plus sur l’ensemble de Ghar el Melh. La population maritime tourne autour de 1500 pêcheurs agissant par le biais des barques motorisées, des sardiniers ou encore les barques à rames. Le vieux port et le nouveau absorbent une flotte de plus de 300 unités dont la puissance est minime. La production de la pêche lagunaire est stationnaire en dix ans après avoir connu un pic en 2013. Le recul après le pic de 2013 est dû notamment à des cas de mortalité des poissons et certaines pollutions devenues impactantes. La pêche côtière quant à elle augmente légèrement et la pêche au feu connaît un recul minime. L’aquaculture a évolué d’une manière exponentielle en moins d’une décade. La valorisation du produit a connu également un bond considérable (10 fois plus).
Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico
L’exploitation de la lagune de Ghar El Melh a démarré depuis fort longtemps. Elle a toujours été productive. La pêche y est libre depuis 1973. La régulation de cette activité est impérative pour préserver un écosystème de plus en plus fragilisé. Les espèces migratrices font l’objet d’un intérêt particulier. La pêche se fait grâce à quatre outils principaux : les filets droits type trémail, les palangres de fond, les nasses à anguilles et l’épervier. La pêche à l’épervier n’est pas réglementaire dans la lagune mais perdure pourtant en l’absence de contrôle et de mécanismes de sanction. Le calendrier de la pêche est analogue à celui des flux migratoires. On comptabilise une vingtaine d’espèces de poissons. L’enjeu est toutefois relatif à la pérennité de la pêche lagunaire. En effet, certains modes de pêche sont basés sur le barrage des voies migratoires et s’opposent à la circulation des eaux.
Un pêcheur à Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico
Pour le volet agriculture, on continue à cultiver toutes sortes de légumes tels que les haricots, les oignons ou encore l’ail dans les polders (gatayas). On évalue les bénéficiaires de cette technique et approche à trois cent cinquante familles. Il faut souligner que l’irrigation naturelle qui se fait grâce aux flux de l’eau se trouve perturbée à cause de certaines nouvelles installations. Cela a provoqué l’assèchement et la salinisation de la sebkha de Sidi Ali el Mekki.
Gataya à Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico
Les rejets sont également à proscrire. Ils constituent une source de pollution majeure. Les rejets englobent ceux des habitations, le trop-plein de la station de pompage de l’ONAS et les rejets chimiques et industriels tels que ceux issus de la zone de Zhana ou Utique. Les eaux usées coulent vers le lac à travers l’oued bouzguem et oued saadan entre autres. Les rejets sauvages sont également légion.
Il y a des problèmes sanitaires de premier ordre. Cela affecte le complexe lagunaire, la nappe phréatique et impacte.
Pollution à Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico
Sur le plan touristique, le constat est sans appel. Certes depuis des années, la région a connu un essor et une affluence importants. Sauf qu’il n’y a eu aucun préalable en termes d’organisation et de mise à niveau de l’infrastructure. Cela a donné lieu à des effets très mauvais sur l’écosystème naturel et les autres activités. L’usage de bateaux, les installations effectuées et les pollutions en tous genres ont eu un effet néfaste et ce, au-delà de la gêne occasionnée par cet afflux de visiteurs sans adéquation des infrastructures dédiées.
Ce qui est à déplorer, c’est l’absence de données et d’études fiables depuis les années 70 qui auraient permis d’aboutir à un véritable tableau de bord. Il y a un effort considérable à faire pour collecter de la data, la traiter et en faire un outil d’aide à la décision. L’état de la faune et de la flore doit bénéficier d’une attention particulière. Les comportements étayés plus haut doivent être sanctionnés et troqués contre des pratiques vertueuses et pérennes. Mais pour cela, il est fondamental de travailler sur une règlementation plus adaptée à la réalité, aux pratiques actuelles et en harmonie avec le modèle d’équilibre entre les différentes professions et la protection de l’environnement auquel on aspire. Il faut une refonte des textes devenus obsolètes et révolus. Par la suite, l’application et la mise en œuvre des textes en question requiert une autorité, ce qui semble très aléatoire avec les instances de gouvernance actuelle, mais aussi des outils et des ressources encore inexistantes. Sensibiliser la communauté, proposer des alternatives, mettre en place un cadre législatif clair et explicité, veiller à son application et traiter la question de l’infrastructure sont autant de chantier à mener d’une manière devenue urgente au vu du laisser-aller qui a caractérisé la période écoulée et qui risque de rendre les effets néfastes irréversibles. Les projets évoqués sont en instance depuis 2001 et peu de choses ont été accomplies depuis. Cela ne relève plus du choix mais de l’impératif car la surexploitation devient exponentielle et la dégradation de l’écosystème prend des proportions assez conséquentes.