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Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico

Ghar El Melh, un joyau à polir …

Par WWF North Africa 

Ghar El Melh, une région côtière au nord-est de la Tunisie, se situe à une cinquantaine de kilomètres de Tunis. Région, car Ghar El Melh n’est ni une ville, ni un village. Ghar El Melh est d’une rare richesse qui se décline en une histoire atypique, un écosystème d’une diversité particulière, des métiers pérennisés et transmis et des traditions cultivées et nourries.

Historiquement, Ghar El Melh a de tous temps offert des conditions optimales aux marins au vu de sa situation et de sa configuration de port naturel qui offre également une profondeur conséquente. Les épopées qui ont ponctué l’histoire et le vécu de la région reflètent le foisonnement culturel qui est propre à Ghar El Melh.

Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico

Architecturalement, on compte les forts ottomans. Ils sont au nombre de trois. Le paysage urbain est ponctué également par la mosquée « errahba » ainsi que la grande mosquée. La cartographie religieuse trouve écho également au niveau de l’église et on cultive l’aspect ésotérique par le biais du marabout « Sidi Ali El Mekki ». Sidi Ali El Mekki qui est devenu synonyme de sable fin et d’eau turquoise pour les amateurs de plages. On énumère par ailleurs dar « dey sta Mourad » ou encore le palais beylical « dar chiboub ».

Toutefois, ce patrimoine culturel matériel subit chaque jour les affres de la défiguration architecturale, se détériore au vu de l’attention portée à l’entretien et à la valorisation. Les dépassements sont multiples et les outils et moyens de contrôle réduits. En effet, il y a un travail titanesque à faire sur le plan de la sensibilisation et la prise de conscience citoyenne de la portée symbolique et de la valeur historique et culturelle de ces ouvrages mais également au niveau de la protection et des sanctions inhérentes à la détérioration. La bonne exploitation et la mise en exergue de cette richesse traine également mais la mise en œuvre de mécanismes efficients est simple et peu onéreuse.

L’abondance du patrimoine culturel immatériel est également surprenante. Le spectre est également très large. L’aspect culinaire à l’instar d’el mahkouka à la mhamsa el hlou en passant par matbakh el jabal ou encore la sauce sannour contentent les palets les plus exigeants et ravivent les souvenirs les plus délicieux. Il y a un effort à déployer et une énergie à investir pour perpétuer la maitrise de ce savoir-faire et œuvrer à son rayonnement au-delà des frontières de Ghar El Melh. Par ailleurs, Ghar El Melh est devenue malgré elle une destination incontournable du tourisme locale véhiculant une image de petit paradis avec des installations de plus en plus nombreuses venues consolider l’acquis naturel. Cela crée de l’emploi, offre une manne financière aux exploitants locaux sans qu’elle ne parvienne aux structures gouvernantes actuelles mais présente également des tares et des soucis au vu des transgressions faites surtout sur le plan environnemental et écologique.

Justement, l’environnement et l’écologie sont ce qui rend Ghar El Melh aussi particulière et aussi exceptionnelle. Cette zone humide a une valeur inestimable. Elle est classée « Ville des Zones Humides » un label attribué par la convention de Ramsar* et offre une pléthore de faune et de flore dont des espèces menacées. Plusieurs espaces lagunaires forment la région, tels que les marécages et les sebkhas, ce qui offre un habitat essentiel aux espèces aquatiques. Le complexe lagunaire est l’exécutoire du fleuve de la Medjerda, le plus grand cours d’eau de Tunisie, vers la mer Méditerranée (qui a vu son cours dévié depuis quelques années vers Kalaeet Landalous).

La région est également riche de ses reliefs et de ses montagnes. Cette diversité et sa perpétuelle évolution au fil du temps en fait un patrimoine inestimable. La cartographie naturelle permet de mesurer la liste des oiseaux et autres espèces qui pullulent dans la région. Cet écosystème a vu éclore des courants marins particuliers et des espaces lagunaires qui ont favorisé des pratiques d’agriculture et de pêche devenues très spécifiques à Ghar El Melh.

Parmi les plus illustres techniques les « gatayas ». Cette technique consiste à aménager sur la sebkha des terres cultivables. Cette technique est propre à Ghar El Melh et n’est pas reprise ailleurs. Cette démarche a le mérite de développer des surfaces cultivables tout en épargnant les richesses hydrauliques de la région. Ghar El Melh a aussi su préserver des techniques traditionnelles en usant d’outils tels que les charrues et les sarcles à pelerou encore les feuilles de palmier pour soigner les cultures. La chaîne de valeur vertueuse agricole ne s’arrête nullement à la culture mais se poursuit avec les mécanismes de stockage traditionnels.

Gataya, Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico

Au-delà de la terre, la mer accueille également des pécheurs qui perpétuent la pêche au casier ou à la nasse ou celle à l’épervier dite « tarraha » mais également la pêche au feu « lambara » qui permet d’attirer les poissons vers la surface avant de les capturer grâce à un filet tournant.

Pêcheurs à Ghar El Melh, Tunisie. Photo: © MedWet/C.Amico

Ghar El Melh est tout cela et plus encore. Ghar El Melh incarne une richesse incommensurable. Culture, histoire, tourisme, situation, faune, flore, des aspects divers et multiples mais à la valeur ajoutée certaine. Toutefois, il y a des démarches à suivre et des conditions sine qua none à mettre en place pour une optimisation de ces ressources et une bonne exploitation de tous ces aspects.

En effet, mobiliser les acteurs clés, mettre en place le cadre législatif idoine, veiller à son application, sensibiliser les communautés locale et visiteuse, veiller à l’harmonie et à l’équilibre entre les différentes identités de la région et déployer l’énergie nécessaire pour perpétuer et valoriser un patrimoine souvent en perdition et en voie d’extinction devient urgent et impératif. L’optimisation des ressources, quelle que soit leur nature est essentiel surtout que tous les ingrédients nécessaires sont réunis, il suffirait de travailler sur une imbrication qui serait fructueuse. Rendez-vous à Ghar El Melh !

 

*Convention de Ramsar : un traité intergouvernemental ouvrant pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides, à laquelle la Tunisie a adhéré en 1980 par l’inscription du site de l’Ichkeul.